Jean Paul Oddos
Les bibliothèques et les centres de documentation des Musées dart moderne ou contemporain sont de plus en plus sollicités par un public extérieur à l'institution qui les accueille. Mais ce public est très largement un public d'étudiants, en arts plastiques, en design, en photographic, en architecture,... selon les orientations du Musée et de sa bibliothèque. C'est particulièrement vrai en France où les bibliothèques universitaires sont assez pauvres en regard du nombre d'étudiants à accueillir. On peut se réjouir de voir se former dans les bibliothéques des Musées une partie des futurs artistes. Cependant cette fréquentation massive (85% par exemple au MNAM-CCI) pèse sur la politique documentaire de la bibliothèque et elle oriente le fonds vers une collection historique et de référence, en souten au cursus universitaire de ces étudiants. Cette tendance très forte risque de fragiliser encore plus les liens assez ténus qui relient la bibliothéque ou le centre de documentation avec les artistes en activité, les plus jeunes notamment. Pour pouvoir recevoir de ceux-ci des informations, de la documentation, des témoignages, des archives, ... les bibliothéques doivent pourtant être capables de proposer aux artistes et concepteurs un certain nombre de services. Il semble que les services les plus appréciés pourraient tourner autour de la gestion de I'actualité: actualité des manifestations, de la critique, des publications, des expositions, des oeuvres, des acquisitions des Musées, ... à travers les matériaux que reçoit ou collecte la bibliothèque: revues, dépliants, cartons, reportages photos, dossier de presse, catalogues d'expo, .... Un tel service demande des compétences précises, des outils adaptés (gestion électronique de document en particulier), des espaces, un réseau d'utilisateurs et de partenaires. A partir de ce service, les artistes pourraient être amenés à utiliser d'autres ressources de la bibliothéque et à établir des relations plus régulières avec elle.
Ce projet est une des composantes de la ré-organisation de la Documentation du MNAM-CCI.
De façon plus profonde, cette ouverture à un public étudiant s'est traduit par une politique documentaire plus construite, essayant d'equilibrer des objectifs d'étude, de référence (en particulier une bibliothèque en libre-accès offrant des milliers d'ouvrages de référence) et des objectifs de constitution de collection. d'acquisitions. retrospective complétant des fonds spécialisés. Les chiffres sont aujourd 'hui parlant: 85% du public extérieur ( 3600 lecteurs réguliers, quelques centaines de lecteurs occasionnels) sont des étudiants en dernier cycle d’étude. Ils (elles) sont cent à 150 chaque après-midi dans la salle de lecture. Le public interne ( 50 conservateurs, une centaine de stagiaires, vacataires, ... ) dispose d’un peu d'espace et de liberté (l'accés aux magasins on particulier) le matin, mais doit partager, l’après-midi, les règles et contraintes imposées au public << externe >>. Dans le << combat >> permanent que se livrent conservateurs et étudiants pour l'espace, le silence, la disponibilité des documents, le temps et la << faveur >> des documentalistes, il est un public plus silencieux, un public fantôme, celui des artistes ou créateurs, architectes, peintres, sculpteurs, designers, photographes, vidéastes, ... Voilà le paradoxe d'un Musée qui se doit de montrer ce que fut la création moderne et de présenter celle d’aujourd’hui: des artistes peuvent voir dans le Musée un lieu d'évaluation de leurs oeuvres, de monstration et de promotion, un lieu d'acquisition et de conversation ... mais pas un lieu de ressources organisées, mettant à leur disposition les informations qu’ls peuvent souhaiter.
Bien sûr, on peut répondre que parmi ces étudiants fréquentant l'université, les écoles, se trouveront les créateurs de demain. Mais c'est oublier que la << formation >> d'un artiste ne se limite pas à un enseignement << académique>> et au temps de la formation initiale. Un créateur n'est pas un chercheur universitaire, mais son << métier >> exige une large curiosité et des ressources d'informations très large. L'ouverture d'un Musée sur 1' >> art en train de se faire >> exige donc une réflexion sur le fait qu'une bibliothèque d'art n'est pas ou très peu, aujourd’hui, une bibliothéque pour les artistes. En partant des besoins que peuvent exprimer ces artistes, les plus jeunes en particulier, nous allons essayer de proposer quelques pistes à la réflexion commune.
En conclusion, nous verrons quelle évolution de la relation artiste / musée on peut attendre de ces services ou moyens mise en oeuvre.