![]() |
Les conditions environnementales et les modes d'entreposage ont une grande influence sur la conservation des documents. Le contrôle de l'environnement et la mise en place de bonnes conditions de stockage constituent la première des mesures préventives. Une bibliothèque ou un service d'archives se trouvent dans une région géographique donnée caractérisée par un climat (tempéré, tropical, équatorial) et un microclimat (ville ou campagne). Les collections qui sont abritées à l'intérieur d'un bâtiment, neuf ou ancien, sont exposées à différents facteurs de dégradation. On distingue les facteurs de dégradation externes et internes. Les premiers sont dus aux mauvaises conditions environnementales, aux pratiques de stockage inadaptées, aux manipulations hasardeuses, aux expositions abusives ainsi qu'au vol, au vandalisme et aux sinistres naturels ou accidentels. Les seconds sont dus essentiellement à la mauvaise qualité des matériaux constituant les documents ou à leur assemblage inadéquat. Dans ce chapitre seuls les facteurs de dégradation externes sont pris en compte. Les facteurs externes de dégradation sont classés en plusieurs catégories :
Les contraintes mécaniquesCes forces peuvent être d'origine naturelle (tremblement de terre), accidentelle (effondrement d'une toiture ou d'une étagère), ou humaine (manipulations, mais aussi vibrations provoquées par la proximité d'une route très fréquentée). Elles peuvent s'exercer pendant un temps très bref ou pendant une période prolongée. Dans le premier cas, elles causent en général des dommages résultant de chocs reçus par le document. Dans le second cas, elles provoquent des déformations du document. Ainsi, l'utilisation de supports inadaptés pendant une exposition ou l'empilement des documents pendant le stockage peuvent causer ce genre de dommages. Les dégâts causés par les vibrations peuvent se classer dans l'une ou l'autre des classes selon que le phénomène persiste pendant un temps court ou prolongé. Les dégradations mécaniques les plus fréquentes sont néanmoins causées par une mauvaise manipulation des documents pendant le transport, la communication, la photocopie ou la reproduction photographique. Le vol et le vandalismeCes risques sont habituellement du ressort des services de sécurité. Le vol comme le vandalisme peuvent entraîner la perte totale de l'objet ou du document. Les actes de guerre peuvent être inclus dans cette catégorie. Le feuLe feu est un danger pour toutes les collections, mais les matériaux organiques sont particulièrement vulnérables. Les incendies entraînent des dommages généralisés et des pertes massives. L'eauL'eau constitue une menace importante pour les collections. Les dommages causés peuvent avoir de multiples origines : fuites de canalisation, toitures non étanches, crues de rivière, ouragans, lutte contre des incendies. Lorsque les dégâts d'eau ne sont pas découverts à temps ou lorsque les mesures de sauvetage ne sont pas adaptées à l'ampleur des dégâts, ils entraînent en général des dégradations supplémentaires par des moisissures. Les agents de dégradation biologiqueLes agents de dégradation biologique (moisissures, insectes et rongeurs) contribuent majoritairement à la dégradation des collections. Ces agents se nourrissent des substrats organiques qu'ils trouvent. L'absence de ventilation, l'obscurité et des niveaux de température et d'humidité relative élevés favorisent leur développement. Les dommages causés (destruction des papiers, des reliures, taches...) sont irréversibles. La pollution atmosphériqueUn autre facteur important de dégradation est la pollution atmosphérique. Elle existe sous forme gazeuse : dioxyde de soufre ou oxydes d'azote et ozone provenant des voitures et de l'industrie, formaldéhyde se dégageant de certains matériaux (bois, textiles, papiers) utilisés lors de l'exposition ou pour le stockage. Elle existe aussi sous forme solide (suie, particules). Les polluants gazeux catalysent les dégradations chimiques des matériaux en favorisant les réactions d'oxydation et d'hydrolyse. Les polluants solides favorisent les dégradations mécaniques par abrasion et sont propices au développement de moisissures et d'insectes. Les documents audiovisuels sont extrêmement sensibles à la poussière, qui menace non seulement leur intégrité physique, mais met également en péril la restitution du son et de l'image. A la contamination atmosphérique on ajoutera les contaminants liquides présents sous forme de plastifiants des matériaux synthétiques ou sous forme de graisse ou de sueur déposée à la surface d'un document lors de sa manipulation. La lumièreLa lumière, c'est-à-dire la partie du spectre des ondes électromagnétiques qui est détectée par notre système visuel, constitue également un facteur important de dégradation des collections. Phénomène corpusculaire et ondulatoire, il véhicule une énergie inversement proportionnelle à la longueur d'onde. Les sources de lumière, aussi bien la lumière du jour que les lampes électriques émettent toutes, en proportion variable, des ondes électromagnétiques qui nous sont invisibles. On distingue de part et d'autre du rayonnement visible le rayonnement ultraviolet et le rayonnement infrarouge. Figure 1 : spectre électromagnétique (échelle logarithmique)Le rayonnement ultraviolet, plus énergétique que le rayonnement visible, provoque des dégradations photochimiques. Le rayonnement infrarouge provoque quant à lui des dégradations par échauffement de la matière elle-même ou de son environnement immédiat, notamment en ayant une action sur le taux d'humidité relative de celui-ci. Le rayonnement visible lui-même comporte certains dangers, car il est encore suffisamment énergétique pour provoquer des modifications au niveau moléculaire. La température et l'humidité relativeTempérature et humidité relative sont deux paramètres liés l'un à l'autre. En effet, l'humidité relative est définie comme étant le rapport entre la quantité de vapeur d'eau qu'un volume d'air donné contient à une température donnée, et la quantité maximale de vapeur d'eau que ce même volume peut contenir à la même température. Cette relation est exprimée en pourcentage.
Les relations établies entre la température et la quantité de vapeur d'eau d'un volume d'air donné indiquent qu'un volume d'air peut contenir une quantité de vapeur d'eau d'autant plus grande que la température est élevée. Le chauffage d'un volume d'air contenant une quantité d'eau donnée provoque un abaissement de l'humidité relative. C'est ce qui se passe en période de chauffage dans un bâtiment. Inversement, le refroidissement du même volume d'air provoque l'augmentation de l'humidité relative. Ceci peut se traduire dans certaines configurations par la condensation de l'eau sur les surfaces froides. A cause de l'interdépendance de la température et de l'humidité relative, il est impératif de contrôler les deux paramètres simultanément.
L'hygroscopie différente des matériaux est un paramètre à prendre en compte dans la surveillance des conditions de stockage. De même, les microclimats doivent être repérés. Un local mal ventilé ne pourra pas éliminer de manière suffisamment rapide tout excès de vapeur d'eau apporté accidentellement. Cette vapeur d'eau est dans ce cas absorbée par les livres qui ne la libèrent que lentement. Ceci peut expliquer le développement de micro-organismes alors que les conditions thermo- hygrométriques régnant dans le magasin semblent correctes. Les principaux facteurs de dégradation des documents |
![]() |
|
![]() |
Les instruments de mesure de première nécessitéLe contrôle des conditions ambiantes nécessite impérativement la réalisation de mesures permettant de quantifier les phénomènes mesures de niveau d'éclairement par luxmètre, mesure de la présence de rayons UV dans les sources lumineuses par UV-mètre, mesures en continu de la température et de l'humidité relative avec un thermohygromètre et un thermohygrographe. Peuvent s'ajouter des mesures de pollution atmosphérique et de niveau de contamination biologique. Ces dernières mesures doivent cependant être réalisées par des spécialistes, alors que les premières peuvent être réalisées par le personnel des bibliothèques ou services d'archives, à condition de respecter certaines recommandations. Les instruments, qu'ils soient mécaniques ou électroniques, nécessitent d'être maintenus en bon état de fonctionnement. Les instruments de mesure de la température et de l'humidité nécessitent aussi un calibrage plus ou moins fréquent. Lorsqu'une institution s'équipe d'instruments de mesure pour contrôler les conditions climatiques, elle doit disposer : d'un psychromètre (les psychromètres électroniques de type Assmann sont plus fiables que les psychromètres mécaniques) pour étalonner les thermohygromètres mécaniques, d'un thermohygromètre électronique, dont le calibrage peut se faire soit à l'aide des solutions sursaturées de sels vendues en kit avec l'appareil, soit en usine chez le constructeur, d'un stock de thermohygrographes mécaniques ou de capteurs électroniques pour enregistrer les données climatiques dans les différents magasins sur une période hebdomadaire ou mensuelle. L'emplacement des instruments de mesure climatiqueLe choix de l'emplacement du thermohygrographe à l'intérieur d'un magasin ou d'une salle d'exposition doit répondre à certains critères. Pour obtenir de bonnes mesures, il faut placer l'appareil :
La bonne connaissance des conditions climatiques régnant dans le bâtiment au cours d'une année permet de :
Modification des conditions climatiquesIl se peut qu'après l'analyse des relevés thermohygrographiques on constate que les conditions climatiques régnant à l'intérieur des magasins ne sont pas bonnes. Quels sont alors les moyens pour agir sur la température et l'humidité relative ? Figure 2 : diagramme de l'air humide (représentation simplifiée)En utilisant le diagramme de l'air humide, on voit que l'on peut agir de six manières : A) pour augmenter l'humidité relative, en maintenant l'humidité absolue constante, il faut baisser la température (= refroidissement de l'air), B) pour diminuer l'humidité relative, en maintenant l'humidité absolue constante, il faut augmenter la température (= chauffage de l'air), C) pour diminuer l'humidité relative, en maintenant la température constante, il faut diminuer l'humidité absolue (= déshumidifier l'air), D) pour augmenter l'humidité relative, en maintenant la température constante, il faut augmenter l'humidité absolue (= humidifier l'air), E) pour maintenir l'humidité relative stable si la température baisse, il faut diminuer l'humidité absolue (= déshumidifier l'air), F) pour maintenir l'humidité relative stable si la température augmente, il faut augmenter l'humidité absolue (= humidifier l'air). centrale de climatisation et de conditionnement d'airDans le cas où le bâtiment ou une partie du bâtiment est climatisé, ces six opérations sont réalisées par la centrale de climatisation ou de conditionnement d'air. Ces centrales ont quatre fonctions :
Les inconvénients de ces systèmes sont liés aux coûts élevés d'équipement et de fonctionnement, et au danger encouru par les collections en cas de panne. Pour cette dernière raison, il est préférable d'avoir plusieurs petites centrales qui alimentent différentes parties du bâtiment, plutôt qu'une grande station qui alimente tout le bâtiment. système de régulation d'humidité relative autonomeLorsque le bâtiment n'est pas équipé d'une centrale de climatisation, il est possible de se servir d'appareils d'appoint tels que humidificateurs et déshumidificateurs de l'air pour réguler les variations saisonnières : climat sec en hiver pendant la période de chauffage et climat humide en été. Il existe différents types d'humidificateurs et de déshumidificateurs. Il est très important de ne pas poser ces appareils trop près des collections (juste à côté d'un rayonnage ou d'une vitrine d'exposition, par exemple), car il risque de se créer des microclimats. De la même manière, il faut que l'humidistat dont la fonction est de réguler le fonctionnement de l'appareil puisse être détaché du bloc appareil pour être placé à l'endroit qui doit être surveillé, donc à proximité des collections. Les appareils peuvent être raccordés directement aux réseaux des fluides (alimentation et évacuation), ce qui évite de vider (pour le déshumidificateur) ou de remplir (pour l'humidificateur) le réservoir d'eau. Il faut cependant veiller à ce que les canalisations soient en bon état de fonctionnement. solutions passives de régulation de l'humidité relativeContrairement aux solutions actives de modification des conditions climatiques qui viennent d'être présentées, il est préférable d'adopter dans le cas des vitrines d'exposition une solution passive. Pour cela, on a recours à des substances dites "tampon". Ces substances ont la propriété de réguler les conditions climatiques à l'intérieur d'un volume limité (boîte, vitrine, armoire) en adsorbant la vapeur d'eau lorsque l'humidité relative ambiante augmente ou en désorbant la vapeur d'eau qu'elles renferment lorsque l'humidité ambiante baisse. Les matériaux organiques (papiers, textiles, bois) possèdent ces caractéristiques, mais leur temps de réaction est plus lent que celui du gel de silice qui est utilisé couramment pour cette application. Préconditionné à la bonne humidité relative (par exemple 50 %), le gel de silice va stabiliser l'humidité relative à l'intérieur d'une vitrine d'exposition. La quantité de charge "tampon" à introduire dans la vitrine dépend de son volume et de son étanchéité à l'air. Pour rendre le fonctionnement du système efficace, il est conseillé de rendre la vitrine aussi étanche que possible. Il est possible de ralentir la dégradation des documents en agissant sur les facteurs tels que la température, l'humidité relative, la lumière, les agents de détérioration biologiques (moisissures, insectes et rongeurs), chimiques et mécaniques (polluants et poussières). Par ailleurs, il est possible d'éviter ou de limiter la dégradation causée par l'homme. L'environnement idéal pour les collections de bibliothèques est un environnement où la température et l'humidité relative sont contrôlées, où des polluants sont absents, où une bonne ventilation de l'air est assurée, où la lumière est contrôlée, où les moisissures, insectes, rongeurs sont absents, où des bonnes pratiques de maintenance et de sécurité (feu, eau, vol) existent. Recommandations en matière de conservation
|
![]() |
|
![]() |
Prévention des dégradations dues à l'hommeLes dégradations dues à l'homme peuvent être minimisées. La négligence est souvent liée à l'absence de formation aux pratiques de conservation préventive et à la méconnaissance des conséquences de mauvaises conditions de conservation et de manipulation. La formation initiale et continue du personnel doit être une priorité absolue, surtout dans le domaine de la préservation des documents audiovisuels dont l'importance relative aux autres collections est en constante augmentation. Les dégradations par vandalisme et vol doivent être diminuées par la mise en place de systèmes de protection et de surveillance appropriés. Prévention des désastresQuant aux désastres (feu, inondations, tremblement de terre...), l'objectif de toute politique de conservation préventive doit être de limiter autant que possible les risques potentiels et d'augmenter les chances de récupération des matériaux en cas de désastre. Il est fortement recommandé de préparer à l'avance un plan d'intervention en cas de désastre, afin de diminuer le temps d'intervention. Pour cela, il est essentiel de déterminer les procédures à appliquer, de les tester et de les inclure dans les exercices périodiques de sécurité impliquant tous les personnels de la bibliothèque. Il faut également tenir à jour une liste d'adresses pour savoir à qui on peut s'adresser en cas de désastre (pompiers, sociétés de transports frigorifiques, de congélation et de lyophilisation, par exemple). Prévention de la pollutionLorsque les magasins sont climatisés, le niveau de pollution peut être réduit grâce à l'utilisation d'une filtration d'air efficace. Les filtres électrostatiques sont cependant à éviter, car ils dégagent de l'ozone, un oxydant puissant. Dans tous les cas, une maintenance régulière des magasins et des collections par dépoussiérage minimisera les dégradations. Quant aux aspirateurs utilisés pour le dépoussiérage, ils doivent être obligatoirement munis de filtres absolus pour éviter la dispersion des spores de micro-organismes dans l'air. Prévention des altérations dues à la lumièreLa lumière naturelle, les lampes fluorescentes et les lampes tungstène-halogènes, contiennent toutes une partie non négligeable de rayons ultraviolets désastreux pour les matériaux organiques qui entrent dans la composition de la grande majorité de nos documents. Pour cette raison, ils doivent être impérativement éliminés pour éviter des dégradations irréversibles. Ils le sont aisément par l'intermédiaire de films autocollants pour les vitrages et de filtres organiques (pour les lampes fluorescentes) ou minérales (pour les lampes halogènes ou aux halogénures métalliques). A noter que le verre feuilleté utilisé dans le bâtiment élimine 95 % du rayonnement UV et qu'il existe des lampes tungstène-halogènes et aux halogénures métalliques dont l'enveloppe est traitée anti-UV. De la même manière, on réduira au maximum le rayonnement infrarouge. En lumière naturelle, cela est possible aussi bien au niveau architectural qu'avec des équipements complémentaires comme les volets et les stores extérieurs, l'usage de films ou mieux de vitrages de protection solaire. Pour les sources artificielles, l'éloignement des sources de la proximité des documents est la meilleure des solutions. La technique de la fibre optique, à condition de placer le générateur de lumière (et de chaleur) dans un endroit extérieur à celui des documents exposés, est une excellente solution. Pour les magasins et les dépôts, la technique du guide de lumière (à ne pas confondre avec la fibre optique, puisqu'il s'agit d'une technologie différente) est une solution à envisager. Naturellement, le rayonnement visible doit lui aussi être contrôlé. Il faut l'éliminer dans tous les cas en dehors d'une activité humaine. Dans le cadre d'une exposition, on respectera une exposition lumineuse, c'est-à-dire le produit d'un niveau d'éclairement par le nombre d'heures d'exposition, inférieur à 84 Klux.heures/an, voire pour certains documents en papier extrêmement sensibles (à base de pâte de bois) on réduira cette valeur à 12,5 Klux.heures/an. Ces valeurs s'expliquent par le fait que l'action photochimique des rayonnements électromagnétiques est cumulative et, par exemple, que les dégradations causées à un document par un éclairement de 50 lux pendant 10 000 heures (3 ans à raison de 8 heures par jour) seront identiques à celles provoquées par un éclairement de 1 000 lux durant 500 heures (2 mois environ). Là aussi, vitrages, stores, films et autres systèmes permettent de maîtriser l'action de la lumière. Les documents graphiques et photographiques sont à considérer comme faisant partie, dans leur grande majorité, des objets patrimoniaux les plus sensibles à la lumière. En fonction des matériaux les constituant ainsi que de leur état de conservation, il est convenu de les répartir en trois catégories suivant leur sensibilité à la lumière, soit :
En fonction de leur classe de sensibilité, il ne faudra pas dépasser les valeurs ci-dessous d'exposition lumineuse appelée Dose Totale d'Exposition (DTE) qui correspond au produit de l'éclairement par la durée totale d'exposition. La DTE s'exprime en lux.heure (lx.h).
Nota 1 : en grisé les catégories
relatives aux documents graphiques et photographiques. Prévention des altérations dues aux champs magnétiques Pour la sauvegarde des enregistrements audio-analogiques, il convient
de ne pas dépasser en ce qui concerne les champs magnétiques
parasites les maximums
On remarquera que normalement une distance de 10 à 15 cm suffit pour ramener l'intensité de champs magnétiques même forts à des valeurs acceptables. Prévention des altérations dues à la température et l'humidité relativeSi la plupart des facteurs de dégradation peuvent être minimisés ou même exclus, il est souvent difficile de maîtriser correctement les facteurs "température" et "humidité relative". En effet, il s'agit là de deux paramètres interdépendants dont les effets sur les uvres sont plus variés et plus complexes que ceux des autres paramètres. influence de la températureLes matériaux qui sont en général sensibles aux fluctuations de température sont les objets composites dont les matériaux constituants possèdent des caractéristiques de dilatation différente en fonction de la température (émaux par exemple). Des températures trop basses, peuvent fragiliser des matériaux plastiques qui deviennent en général vitreux et de plus en plus friables. Des températures trop élevées accélèrent la dégradation des matériaux instables (papiers acides, films de nitrate et d'acétate de cellulose, films en couleur). Pour l'archivage des films, on a souvent recours à un stockage à - 18° C. Il est devenu courant de faire la distinction entre un stockage de conservation et un stockage permettant un accès aux documents dans des conditions climatiques ambiantes pour la consultation. Théoriquement, chaque baisse de température de 10° C va doubler la durée de vie de ces matériaux. Il n'est cependant pas très économique de maintenir constamment des matériaux bien en dessous de la température ambiante. Dans le cas d'une panne du système de refroidissement, les dégâts dus à la condensation de la vapeur d'eau à la surface froide des matériaux peuvent également être préjudiciables. influence de l'humidité relativeDans le cas des matériaux organiques, constituants majoritaires des documents de bibliothèques ou d'archives, les niveaux et fluctuations de l'humidité relative ont beaucoup plus d'incidence sur la conservation des collections que les niveaux et les fluctuations de la température (proportion 95 % contre 5 %). Quels sont alors les niveaux et variations acceptables de l'humidité relative ? Il n'existe pas de normes en matière d'humidité relative, mais seulement des recommandations. La plupart des musées, archives et bibliothèques aux États-Unis et en Europe ont adopté le niveau de 50 % ± 5 % d'humidité relative. Des musées dans des pays à climat froid en hiver (Scandinavie et Canada) préconisent des niveaux de 40 % ± 5 %, car des valeurs plus élevées risquent de provoquer des phénomènes de condensation sur les surfaces froides des bâtiments (vitres, murs). En fait, ces valeurs ont été adoptées en se basant sur la faisabilité technique plus que sur la connaissance de l'impact de ces niveaux d'humidité sur la conservation des collections. Les conditions d'humidité contre-indiquées peuvent être classées en trois catégories : humidité relative trop élevée, trop basse, fluctuante. 1) humidité relative trop élevée L'humidité excessive (supérieure à 65 %) entraîne une prolifération de moisissures et une corrosion rapide des métaux. Le risque croît rapidement avec chaque hausse au-delà de ce seuil. Par exemple, à température ambiante, le temps de développement de moisissures sera de quelques semaines à 75 % d'humidité relative, alors qu'à 90 % d'humidité relative il sera de quelques jours. 2) humidité relative trop basse L'humidité joue un rôle important dans les processus d'altération chimique des matériaux. En théorie ces processus ne sont stoppés qu'à 0 % d'humidité relative. En revanche, une humidité relative trop basse entraîne la déshydratation des matériaux organiques et leur fragilisation. Une humidité relative excessivement basse peut favoriser l'apparition d'électricité statique, ce qui dégrade la qualité de la restitution des documents sonores et audiovisuels. 3) humidité relative fluctuante Les fluctuations d'humidité relative sont contre-indiquées pour la majorité des collections, car elles induisent des contraintes mécaniques plus ou moins fortes (dilatation, rétrécissement). Un cycle unique d'une variation brutale de l'humidité relative peut se traduire par des fissurations visibles sur des objets (ivoires par exemple). Certains objets qui ont subi une restauration récente sont particulièrement sensibles aux variations de l'humidité relative. Des cycles répétés de variations d'humidité relative se traduisent par une fatigue mécanique qui va fragiliser graduellement l'objet en question. Actuellement, les recommandations sont de plus en plus différenciées en fonction des types de matériaux organiques et minéraux et de la composition des objets homogène ou composite. Dans le cas d'une collection constituée, comme cela est le cas en général d'une multitude de matériaux, il faut soit trouver un compromis, soit isoler les documents les plus fragiles pour les entreposer dans des magasins à climatisation spéciale ou pour leur confectionner des "microclimats" (vitrines conditionnées, boîtes ou cadres contenant des substances "tampon" régulant l'humidité relative). En général, on constate que la consigne du niveau de l'humidité
relative Dans les régions tempérées, les niveaux optimaux de température et d'humidité relative pour des collections traditionnelles se situent autour de 18° C et 55 % d'humidité relative. Des fluctuations sont généralement admises dans la gamme comprise entre 16 et 21° C et 40 et 60 % d'humidité relative. En revanche, pour les collections de photographies, de microfilms, de supports mécaniques, magnétiques et optiques, on préconise des valeurs plus basses de température et d'humidité relative : pas plus de 16° C et 40 % d'humidité relative dans les magasins de stockage. la conservation dans des régions climatiques difficiles : le cas des bibliothèque des zones tropicalesLa conservation de collections patrimoniales dans les régions géographiques où les conditions climatiques sont éloignées des conditions générales d'une partie de l'hémisphère Nord est un problème difficile à résoudre, on l'imagine bien à la lecture des recommandations ci-dessus. Pour respecter les données idéales de température et d'humidité relative, il faudrait imposer une climatisation performante qui serait elle-même à la source de deux problèmes aux conséquences non négligeables : les coûts de fonctionnement et de maintenance, et les risques de chocs thermiques. Plus la température et l'humidité relative extérieures s'éloignent des conditions idéales, plus il est difficile de maintenir à l'intérieur une température et une humidité relatives proches des recommandations. Pour y parvenir, il faut dépenser beaucoup d'énergie, dont il résulte un coût élevé de fonctionnement ; ce qui suppose également une installation particulièrement efficace et à l'abri des pannes éventuelles, ce qui impose une maintenance régulière et coûteuse. Par ailleurs, et pour des raisons de confort, la différence de température entre l'extérieur et l'intérieur ne peut être trop grande (au-delà de 10° C la différence est ressentie comme perturbante par l'organisme humain) : en adoptant des conditions de conservation "idéales", soit on contraint les documents à subir des chocs thermiques importants lors du passage des magasins aux salles de lecture (avec un redoutable phénomène de condensation sur les surfaces froides comme les films et les bandes magnétiques), soit on contraint les usagers à subir eux-mêmes des chocs thermiques en les obligeant à supporter des différences importantes de température lors de leur entrée dans la bibliothèque ou dans les salles de consultation, ce qui n'est guère admissible. Les solutions recommandées sont de deux ordres : solution techniquement performante avec recours à la climatisation quasi généralisée dans des bâtiments qui doivent être impérativement adaptés pour éviter toute déperdition d'énergie, avec les conséquences financières qui ont été soulignées ; solution de compromis par le recours à des méthodes qui utilisent le plus possible les qualités de certains matériaux (briques, terre, etc., en usage dans de nombreux pays de la zone tropicale par exemple), utilisation de techniques architecturales qui permettent une circulation permanente et un renouvellement constant de l'air dans les zones de stockage pour éviter la stagnation propice au développement de moisissures, utilisation de zones de mise à température et à humidité progressives (sas de conditionnement). Les collections ne "bénéficient" certes pas des conditions idéales comme en métropole mais elles ne sont pas soumises aux variations brutales d'humidité et de température qui constituent un des risques majeurs de dégradation des matériaux. En complément, on instaurera une politique rigoureuse de surveillance des locaux : surveillance des variations climatiques (avec des thermohygromètres enregistreurs), surveillance des développements de moisissures et prolifération d'insectes. On recommandera enfin de considérer avec soin la fin recherchée et les moyens dont on peut disposer afin de trouver la solution la plus acceptable à défaut d'être la plus satisfaisante pour la conservation des collections ; dans cette démarche, on procédera de manière prudente, en évitant de généraliser hâtivement et en tenant compte de tous les facteurs qui font de chaque cas un cas particulier. Toute politique de conservation préventive doit être axée sur la diminution des interventions sur l'objet et la collection. Les conditions environnementales et d'entreposage ont un effet décisif sur la conservation des collections. Afin d'assurer les bonnes conditions de conservation, il est impératif d'organiser un contrôle régulier des conditions environnementales et d'entreposage et d'accorder une attention particulière aux méthodes de manipulation des ouvrages.
|