Typologie et historique

On entend par procédé photographique toute méthode permettant de produire une image visible en faisant agir la lumière sur une couche de produits chimiques. Depuis l'invention de la photographie en 1839, de nombreux procédés ont été employés pour réaliser des photographies. Près de quarante d'entre eux ont été exploités commercialement et l'on trouve des exemplaires des images produites dans un grand nombre de fonds d'archives et de bibliothèques de caractères variés.

    

Nombreux sont les inventeurs dont les recherches ont, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, préparé la voie à l'apparition d'un système pratique et industriel d'enregistrement et de projection des images en mouvement. C'est en 1895 à Paris que Louis Lumière présente la première projection de films de cinéma à un public médusé. Depuis lors, de nombreux perfectionnements ont été apportés au procédé, y compris l'adjonction du son et de la couleur. Quantité de formats de films ont été essayés avant que l'industrie se décide à s'en tenir à quelques formats "standard". De nos jours encore, un service d'archives cinématographiques doit être équipé de nombreux projecteurs de films de formats différents.

Le microfilm

Le microfilm a été inventé pour assurer la sécurité des documents originaux textuels et figurés ayant une valeur particulière du point de vue historique, commercial ou scientifique. Le recours au microfilm peut également améliorer l'accès aux informations contenues dans les originaux. L'accès aux documents par le truchement du microfilm est, comme le recours à d'autres types de copies de consultation, un moyen de protéger l'original de l'usure et du vol. Les dernières nouveautés sont liées à la révolution informatique.

 

Les nouvelles techniques d'imprimerie

De nouvelles techniques ont été mises au point, à l'aide de matériels comme les imprimantes thermiques et à jet d'encre, pour produire des copies numérisées d'images. Ces techniques doivent être considérées comme des techniques d'imprimerie et non comme des techniques photographiques, même si elles donnent généralement une bonne représentation de l'image photographique originale. En raison de leur faible durée de vie et de leur sensibilité à la lumière et la chaleur, on ne peut considérer ces impressions comme aptes à remplacer les documents photographiques.

 

L'original et les doubles

Avec les documents photographiques, le mieux est de se constituer une série d'images :

– l'image originale qui sera conservée dans des conditions idéales, auxquelles elle sera soustraite aussi peu souvent que possible.

– une copie de sécurité, mise en réserve ; elle sera stockée dans un autre lieu que l'original pour le cas où celui-ci disparaîtrait à la suite d'un incendie ou pour toute autre raison et sera également conservée dans de bonnes conditions de stockage.

– une matrice de consultation établie à partir de l'original ou de la copie de sécurité, qui servira à établir les copies pour consultation.

– des copies pour consultation normalement communiquées aux lecteurs.

Les images photographiques se présentent certes sous les formats les plus divers – du microfilm à l'affiche de grande dimension – mais les principes qui président à leur détérioration et à leur conservation dépendent uniquement du procédé chimique utilisé pour réaliser l'image et non de sa dimension ou de son objet.

Tableau récapitulatif : typologie

Nature du support Date de production Procédé d'enregistrement Composition
 
daguerréotype 1839-1860 positif direct plaque de cuivre recouverte d'une fine couche d'argent
papier salé 1839-1860 positif tirage positif obtenu sur une feuille de papier sensibilisée au chlorure d'argent
calotype 1841-1860 négatif papier enduit de nitrate d'argent et traité à l'iodure de potassium
ambrotype 1851-1880 positif direct cliché de verre au collodion ; il s'agit d'un cliché négatif qui, exposé sur un fond noir apparaît en positif
papier albuminé 1850-1900 positif tirage positif sur une feuille de papier enduite d'une couche d'albumine salée sensibilisée au nitrate d'argent
procédé au collodion humide 1851-1885 négatif solution de coton et de poudre dans un mélange d'alcool et d'éther étendus sur une plaque de verre
ferrotype 1856-1930 positif direct solution de coton et de poudre dans un mélange d'alcool et d'éther étendus sur une plaque de verre
procédé au gélatino-bromure d'argent 1880- négatif suspension de bromure d'argent dans de la gélatine
aristotype à la gélatine ou au collodion 1885-1930 positif papier à noircissement direct à la gélatine (papier citrate) ou au collodion (papier celloïdine)
autochrome 1907-1945 positif direct plaque de verre constituée d'une couche de fécule de pomme de terre teintée en violet, orangé et vert, recouverte d'une émulsion noir et blanc.
négatif et positif couleur à développement chromogène 1939- négatif / positif procédés divers

Mode de vieillissement

Comme de nombreux procédés chimiques ont été utilisés en photographie, les modes de vieillissement des photographies sont multiples. Certains matériaux ont une extrême propension à s'autodétruire, d'autres craignent le contact physique et pratiquement tous les documents photographiques sont sensibles aux conditions d'environnement, pas seulement à la température, à l'humidité relative et à la pollution de l'air, mais aussi aux substances oxydantes émises par certains matériaux de construction, tentures murales et mobilier en bois. Le carton et le papier des boîtes et des pochettes utilisées pour protéger les articles de tout danger physique peut aussi contenir des substances nocives.

Facteurs de dégradation

On peut ranger les facteurs de détérioration en deux catégories : les facteurs internes et les facteurs externes.

Facteurs internes

Les facteurs de détérioration internes tiennent aux éléments constitutifs du document photographique et aux résidus chimiques des procédés utilisés au moment du développement et ultérieurement. La vitesse de détérioration est liée à l'humidité relative, à la température et à la présence de substances oxydantes.

Les films au nitrate de cellulose

L'exemple le plus connu de document photographique se détériorant sous l'effet de facteurs internes est celui du film au nitrate de cellulose. Le principal composant du film au nitrate est le nitrate de cellulose, qui émet des gaz nitreux. Ces gaz ne sont pas seulement oxydants, ils sont aussi toxiques et explosifs. Un processus de détérioration qui s'auto-accélère peut arriver à détruire complètement la pellicule et même l'émulsion, en ne laissant subsister qu'une matière collante.

Le film au nitrate de cellulose est inflammable à une température relativement basse et les rouleaux de pellicule, les films de cinéma par exemple, peuvent même s'enflammer spontanément à une température ambiante atteignant à peine 41° C lorsqu'ils sont entreposés pendant une période assez longue dans un milieu mal ventilé, par exemple dans la boîte métallique dans laquelle on range traditionnellement les bobines de film cinématographique.

 

Les pellicules au nitrate de cellulose se présentant en feuilles ne s'enflamment pas aussi facilement parce que, par rapport à leur volume, leur masse est très inférieure et que, normalement, les gaz qu'elles émettent s'évaporent lentement lorsque les feuilles sont conservées dans des pochettes ou dans des boîtes ouvertes.

 

Les films d'acétate de cellulose

Un autre groupe de documents sujets à l'autodestruction est celui des films à l'acétate. Le film à l'acétate a été conçu dans les années 20 pour remplacer le film au nitrate de cellulose et dénommé "film de sécurité" parce qu'il était moins inflammable que son prédécesseur. Les premiers films acétate manquaient de stabilité dimensionnelle : ils rétrécissaient et l'émulsion se détachait du support. Le substrat acétate fut amélioré et était considéré comme plus ou moins stable jusqu'au moment où l'on décela le syndrome du vinaigre il y a une dizaine d'années.

 

Les tirages à l'albumine

Autre exemple, qui intéresse un procédé ancien, le vieillissement des tirages à l'albumine où le blanc d'oeuf contenu dans l'émulsion décolore l'image argentique.

 

Les photographies couleurs

Les photographies couleurs – négatifs, tirages et transparents – vieillissent généralement mal, leurs composants couleurs étant instables au-dessus de 0° C. Les photographies couleurs ont non seulement tendance à passer – les couleurs et l'image s'effacent sous l'effet de la lumière – mais aussi à s'obscurcir en l'absence de lumière. Les diapositives sont généralement connues pour avoir une meilleure stabilité couleurs que les négatifs et les tirages couleurs mais elles vieillissent de façon très différente selon leurs propriétés chimiques.

 

Le procédé au collodion

Le collodion qui est l'une des matières les plus anciennement utilisées dans les émulsions photographiques est à la base de plusieurs techniques photographiques analogues du milieu du 18e siècle comme les ambrotypes, les plaques sensibles sèches au collodion, les pannotypes, les ferrotypes et le papier collodionné. L'émulsion au collodion contient du nitrate de cellulose (également présent dans les premières pellicules plastiques) et émet des gaz nitreux, mais bien moins que la pellicule au nitrate de cellulose. Ces gaz peuvent attaquer d'autres objets placés à proximité et le rétrécissement de l'émulsion qu'entraîne la perte de gaz peut arriver à faire craquer celle-ci.

  

Les papiers dits PE

Les papiers dits PE ou papiers plastiques sont faits de fibres de papier enduit de polyéthylène portant une émulsion à la gélatine. Jusqu'au milieu des années 80, ce papier photographique vieillissait mal. La couche papier comportait des agents blanchissants optiques qui absorbaient l'énergie lumineuse. Il se formait une substance oxydante qui attaquait la couche de résine et la faisait craquer. L'agent oxydant attaquait également l'image argentique et la décolorait. Depuis dix ans, on ajoute dans ces papiers un antioxydant qui accroît leur longévité.

Les microfilms

De même, toute une série de procédés ont été utilisés pour la fabrication des microfilms, le film gélatino-argentique étant considéré comme celui qui présente la meilleure stabilité à long terme. Les films diazoïques et vésiculaires sont couramment utilisés pour établir les copies à communiquer aux utilisateurs mais ils ne sont pas durablement stables et l'emploi de ces techniques n'est pas recommandé pour l'établissement des copies de sauvegarde.

 

Facteurs externes

Les pochettes et contenants

Ces facteurs externes sont dus à la présence de substances nocives dans le milieu où les documents sont emmagasinés. Les substances polluantes sont nombreuses mais quelques-unes méritent d'être particulièrement mentionnées. La lignine, la charge de colophane et les résidus chimiques oxydants dans le papier et le carton des pochettes, des boîtes et des cadres ainsi que les plastifiants des chemises en PVC et autres conditionnements sont les plus courants, avec les polluants de l'air.

  

Le mobilier

Le mobilier des réserves ne doit pas être fait de matériaux émettant des gaz oxydants. La réaction des gaz oxydants sur les documents photographiques est analogue à celle des polluants ordinaires de l'air.

 

La température et l'humidité relative

Une température et un taux d'humidité relative élevés accélèrent le processus.

Par leur action conjuguée, les facteurs de détérioration externes et internes accroissent la vitesse de réaction des facteurs internes de détérioration.

  

Les documents qui normalement devraient bien vieillir – c'est-à-dire qui comportent peu de facteurs de détérioration interne – dureront plus longtemps dans un environnement médiocre qu'un objet sujet au vieillissement – c'est-à-dire comportant de nombreux facteurs internes de détérioration – conservé dans de bonnes conditions. De bonnes conditions d'entreposage s'opposent jusqu'à un certain point à la détérioration des documents sujets au vieillissement ; en revanche de mauvaises conditions de stockage accélèrent toujours les processus de détérioration.

 

Mesures préventives

La meilleure façon de sauvegarder les documents photographiques est de mettre l'accent sur la prévention. On ne dira jamais assez combien il est nécessaire de stocker convenablement les documents – dans des pochettes, des boîtes, du mobilier qualité archives, etc. – et dans des conditions climatiques appropriées.

 

Si c'est possible, les collections d'un service d'archives photographiques devraient être divisées en deux collections placées dans des lieux différents : un fonds communicable et un fonds non communicable. Le fonds communicable contiendra les documents fréquemment demandés – principalement des copies d'originaux – et le fonds non communicable les originaux destinés à être conservés durablement. Les archives non communicables seront entreposées en atmosphère stable à basse température et degré hygrométrique faible.

Différentes recommandations à ce sujet existent qui ne diffèrent pas sensiblement des spécifications énoncées dans le tableau ci-après. Celles-ci présentent un bon rapport coût-efficacité. Ces conditions peuvent être difficiles à remplir mais ce sont elles qu'il faut toujours viser. Si l'on peut être moins strict sur les conditions de température et d'humidité relative, c'est à condition qu'elles restent stables et que le taux d'humidité relative soit impérativement compris entre 25 et 60% – taux où les moisissures commencent à se développer. Ce moindre respect des exigences se fera dans la plupart des cas, il est vrai, au prix d'une diminution de la durée de vie des supports matériels.


Prescriptions relatives à l'atmosphère des magasins
d'archives photographiques
  température ±/24h ±/an humidité relative ±/24h ±/an
°C °C °C % °C °C
         Images fixes
Négatifs < 18 1 2 30-40 5 10
Epreuves noir et blanc <18 1 2 30-40 5 10
Film au nitrate de cellulose 11 1 2 30-40 5 10
Négatifs couleurs 2 1 2 30-40 5 10
Diapositives couleurs 2 1 2 30-40 5 10
Epreuves couleurs 2 1 2 30-40 5 10
 Images en mouvement
Films couleurs -5 1 2 30 2 5
Films de sécurité noir et blanc 16 1 2 35 2 5
Film au nitrate noir et blanc 4 1 2 50 2 5
 Microfilm noir et blanc
Films gélatino-argentique 18 1 2 30-40 5 10


Il n'est pas recommandé d'entreposer des documents photographiques dans les caves et les greniers. Les caves sont généralement très humides ; il y passe souvent des conduites d'eau qui en cas de fuite peuvent causer des dommages irréversibles. Les greniers, s'ils ne sont pas convenablement isolés, auront une atmosphère impossible à contrôler et sensible au climat extérieur. Par ailleurs, ils présentent un risque d'inondation par la toiture, si celle-ci n'est pas étanche.

Les conditions climatiques

Une température élevée ainsi qu'un fort taux d'humidité relative (HR) accélèrent la plupart des processus de détérioration. Plus basse est la température, plus lente est la détérioration. Cependant, dans un dépôt d'archives photographiques, c'est le degré hygrométrique qui joue le plus et qu'il faut surtout réguler.

Humidité relative trop élevée

Plusieurs types de dégâts peuvent se produire lorsque le degré d'humidité relative (HR) est trop élevé :

  • des moisissures se développent, des insectes se multiplient lorsque le taux de HR s'élève au-dessus de 60 %,
  • l'émulsion gonfle et devient collante,
  • les résidus chimiques accélèrent les processus de détérioration,
  • les plaques de verre commencent à se détériorer et le verre perd de sa transparence,
  • les processus de détérioration produits par les polluants atmosphériques, les peintures, etc, s'accélèrent,
  • les photographies sur support métallique, les ferrotypes, commencent à se corroder.

  

  

Les dégâts suivants peuvent se produire lorsque le taux de HR est trop bas :

  • l'émulsion sèche et s'écaille,
  • l'émulsion sèche peut se détacher du support,
  • la couche de support peut perdre sa souplesse.

 

La pollution atmosphérique

Pour autant que cela soit difficile, puisque la majorité des grands bâtiments d'archives sont situés dans le centre des grandes villes, il est de la plus haute importance de veiller à la propreté de l'air des locaux et d'empêcher les polluants atmosphériques d'y pénétrer. La réactivité de ces polluants aux substances présentes dans les photographies couleurs aussi bien que dans les photographies noir et blanc est très forte. On trouvera dans le tableau ci-après les conditions de propreté de l'air à respecter dans les locaux abritant des fonds d'archives photographiques.

Il existe d'autres substances nocives dans l'air mais de bons filtres chimiques adaptés aux substances énumérées dans le tableau ci-dessous les élimineront également.


Prescriptions relatives à la qualité de l'air des locaux
abritant des archives photographiques
Gaz Archives communicables Archives non communicables
g/m3 g/m3
SO2 1 1
NOx 5 1
O3 25 2
CO2 45 45
particules fines 75 75


Si les fonds comprennent des films cinématographiques au nitrate, il convient de s'enquérir auprès des services locaux de lutte contre l'incendie des conditions de stockage à respecter, de la quantité maximale de films qui peuvent être placés dans un magasin et de toute autre spécification de leur part. Cette consultation n'est pas simplement recommandée, elle est impérative. Les films cinématographiques au nitrate sont considérés dans de nombreux pays comme un explosif par les pompiers.

Conclusion

Les objets photographiques sont une partie de notre patrimoine culturel qui est particulièrement fragile et qui nécessite à ce titre toute l'attention d'un personnel qualifié. Les documents sont sensibles à la pollution de l'air, autant celles émises par les carburants que celles que dégagent le mobilier et les conditionnements dans les dépôts ainsi qu'à l'humidité et à la température. Il importe par conséquent de réguler le milieu où ils sont entreposés. Il importe aussi d'être en mesure d'identifier les procédés photographiques avec lesquels ces documents ont été réalisés pour connaître les problèmes particuliers que leur conservation présente.

Les spécifications, les méthodes et les mesures applicables pour améliorer le milieu dans lequel sont conservées les archives photographiques figurent dans des ouvrages spécialisés et sont l'objet de normes particulières. En voici une liste sommaire.